L'homme et la biche

c’est la nuit. Une nuit d’été chaude et étourdissante.

Dehors, au milieu de la forêt, il y a la maison de l’homme.

On ne sait pas s’il s’agit d’une cabane ou d’un palais.

Au-dessus des arbres centenaires, le ciel dégagé laisse apparaître l’éblouissant spectacle des étoiles, sans voile et sans pudeur.

L’homme sort de la maison avec précaution. Dehors, une biche est en station dans le jardin non clos. L’homme va vers elle. La biche est immobile.

L’homme tend doucement la main, la biche ne bouche pas et le regarde.

Il pose sa main sur son cou. Il sent sous la peau les battements du cœur de l’animal. Les veines, un mélange de résolution et d’effroi.

Les yeux de la biche brillent comme les étoiles au-dessus d’eux.

Ils sentent autour d’eux la force des arbres reliés les uns aux autres et leur feuillage majestueux qu’aucun vent ne fait frémir. Ils sont les rois d’un vaste royaume, capables de muer pour tuer qui les blesse, de se pencher vers leurs alliés pour étouffer qui les gêne.

La biche et l’homme le sentent. Ils sont tolérés par ces géants aux profondes racines.

La main de l’homme devient moins ferme, il est décomposé par la puissance des éléments.

Son corps se fait racine, tronc, branches et feuillage. La biche aussi.

Il n’y a plus de différence entre l’homme, la biche, l’herbe humide sous leurs pieds, les arbres-roi. Tout appartient aux étoiles, plus grandes encore que les arbres, plus indépendante et plus reliées par une force incroyable qui fait tourner les choses autour de soleils, absorbe les désirs dans de profond trous-noir et agite l’ordre des choses dans la crainte permanente de l’immobilité.

Tout se met à tourner. C’est la nuit. Les étoiles semblent briller au-dessus des arbres, des biches, des hommes, de l’herbe humide et des maisons dans les forêts.

L’homme avait fermé les yeux. La biche n’est plus là.