2 Mars 2018
LES DÉSILLUSIONS DU TEMPS RETROUVÉ
X) La mascarade
J'étais perdu dans une foule immense, mes cheveux longs tombant
jusqu'au sol.
De partout autour de moi, fuyaient des rires et des cris,
ceux de grotesques personnages tout droit sorti des légendes de chimères
et de faunes...
C'était un carnaval. J'étais perdue dans la foule étouffante,
seule parmi la masse grouillante.
La tête baissée, les cheveux couvrant mon visage et tombant jusqu'au
sol.
J'étais perdu dans une foule immense, une foule en délire,
majestueusement vulgaire et criarde.
J'étais portée par le flot hurlant, comme une tête d'Orphée dans le fleuve
des bacchantes.
Mon corps piétiné par le flot des pas des passants, trituré, bousculé,
lacéré par les costumes sordides de ces chimères d'un jour.
Et pourtant dans mon déguisement de tous les jours, dans ma peau nue
et offerte,
le cortège me reconnut parmi les siens...
Tant et si bien qu'il m'y entonna de m'y joindre, ce que je fis, gagnée par
l'ivresse de croire à de semblables miens. Hélas ce n'était qu'illusion.
Et je me perdis.
Soudain les villes peuplées d'horreur firent place à la campagne vierge,
aux champs de blés et de soleil, au ciel bleu qui se découpe sur des haies
de verdures plus fines que de la dentelle.
Le ciel se parait de feu mieux que tous les cracheurs des villes, les
vallées d'arc-en-terre mieux que leur amant le ciel. Tout n'était que
merveilles et cris silencieux.
Tandis que le temps d'un jour, les bêtes des villes rampaient en hurlant
vêtus de peaux qui n'étaient pas leurs ; la nature offrait chaque jour aux
anges de la terre un carnaval de pureté, sans loups ni oripeaux.
Alors qu'au soir je rentrais au pays des monstres éphémères, qui, lasses
et plus pitoyables que des âmes vides, dévorés de honte sans plus avoir
de conscience par les flots de vins et de malt, rampaient au sol plus bas
que terre ; la nature sans masque offrait aux yeux aveugles le plus beau
des spectacles, laissant la nuit se coucher sur elle et donner jour au jour
lui-même, le jour suivant...