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L'éternelle heure du thé

Textes, théâtre et poésie de L.H.C. (Tous droits réservés)

Variations sur Hélène Delprat

Préjugé sur les collections du Musée des Beaux-Arts de Caen, les permanentes sont trop XVIIe pour moi et les contemporaines, un fouillis pas très clair (Lyon et Rennes marchent mieux à mon goût). Hélène Delprat ? L’affiche ne me dit rien, encore du n’importe quoi-caca. Mais non, tiens, prends ça dans tes préjugés (Les préjugés sont probablement des idées toutes faites qui nous aident à faire le tri parce que l'on ne peut pas tout faire et tout voir dans une vie).

 

210 X 250 / pigment or, pigment argent et pigments + liant acrylique sur papier / 2013 Ritorno al castello-remake ou Le cavalier noir de De Chirico ne me fait pas peur

 

Premier coup de cœur, l’or et l’argent en feux d’artifice sur fond noir : j’adore. Plein de petits détails, monstres-ombres et coraux comme des bijoux, très textile comme panneaux (qualificatif personnel attestant que j’aime cette perspective abstraite : pour comprendre la peinture abstraite, j’ai dû commencer par l’imaginer en tissu). C’est superbe et effrayant de se plonger dans des formats comme ça, un mètre, deux mètres, trois mètres, j’en rêve. Quand j’aurais un grand atelier je ferai ça, pour le moment, je dois recommencer à apprendre à peindre.

 

https://culturebox.francetvinfo.fr/le-blog-de-thierry-hay/2017/06/26/la-bombe-artistique-helene-delprat-a-la-maison-rouge-exposition-i-did-it-my-way.html

 

Et puis les tableaux de son site, malheureusement pas mis à jour depuis 2014.

 

http://www.helenedelprat.com/styled-22/

 

Perspective: Madame Recamier by David, 1949, Rene Magritte que l'on retrouve dans un tableau de Delprat : Madame Récamier aime les cactus, ( entr'autres)

Je n’aime pas tout, les séries de grands formats de 2011-2013 et après me submergent d’émotions. Textes, motifs, couleurs, or et argent, j’adore. Les séries avec des fonds très colorés et des références directes à Magritte dont je préfère le travail, j’aime moins. Les dessins, ça dépend, certains oui, certains bof. Et les installations-performances, quand c’est kitsch-poétique comme le portail de Versailles (ou de son enfance), c’est plus fort que moi, ça me touche et me fait sourire. Je ne peux pas oublier que les deux premiers films de ma vie étaient Alice aux Pays des merveilles de La Belle et la Bête de Cocteau, ça ne laisse pas indifférent une imagination – l’arrivée du magnétoscope dans ma vie à l’âge de deux ans et des deux premières cassettes vidéo qui allaient avec, que j’ai absorbé en boucle. Sans compter l’influence de Carmina Burana d’Orff, quelques années plus tard (mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle) qui m’a fait dessiner des anges-rôtis et des anges-démons pendant des mois, mieux que le catéchisme1 on vous dit. Je me demande même pourquoi mes peintures ne sont pas plus cinglées, ça viendra peut-être plus tard.

 

Jean-Michel Basquiat, ADAGP, PARIS 2010 Untitled (Fallen Angel), 1981, acrylique, pastel gras et peinture à l’aérosol sur toile.

 

Peut-être comme le coup de cœur de Basquiat dont elle découle. J’avais été indifférente aux images de Basquiat dans les livres, ce n’est pas une œuvre à voir en reproduction, Basquiat, il faut se le prendre en pleine figure. C’est un mec qui essaye de se moquer de la société et de la définition de l’art, c’est surtout un mec qui vit l’art quelle que soit sa vie, grunge. C’était au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, en janvier 2010, pour l’exposition de Larry Clark Kiss the past hello – je suis exigeante en photo et outre le sordide du sujet sexe, drogue et rock’n roll rien de mémorable, donc Larry Clark, je passe – mais Basquiat, là ça a été une claque aller-retour. Ce truc qui paraît enfantin, venu des profondeurs de l’enfance, aborigène parfois, mâtiné de culture, de graffiti en latin, le choix des couleurs, les fonds unis, les fonds polychromes, ça, ça a été l’incendie dans ma tête. On avait fait la queue deux heures tous les dimanches pendant un mois pour enfin, non pas constater que Clark était faussement sulfureux, mais que Basquiat était un géant.

 

Gérard Garouste

Il y a aussi beaucoup d’Odilon Redon dans les grands tableaux d’Hélène Delprat ; Mlle Viollette, Éternels éclairs. Un peu de Gérard Garouste aussi peut-être, une de ses œuvres figure d’ailleurs au MBA de Caen, celui sur la folie, je crois qu’il sortait d’un séjour de l’HP ; les formes en agglomérations nuageuses, les couleurs franches.

 

Le pégase noir, par Odilon Redon

 

Quant au personnage de l’artiste, Hélène Delprat, excentrique, un style vestimentaire reconnaissable – j’adore jouer avec les vêtements, mais je me méfie des gens qui se transforment en la propre caricature d’eux-mêmes, on voit l’échec avec le metteur en scène Jean Lambert Wild, dont les spectacles sous couvert d’expérimentations prometteuses, sont aussi décevant que son uniforme de Tintin. Sur les photos, je me dis qu’on doit souvent appeler Hélène Delprat "monsieur" par accident, ça ne doit pas la vexer, elle semble jouer volontairement des questions du genre, au point de rejeter en bloc tous les attributs féminins (au risque peut-être de rentrer dans la case de la lesbienne-intello2, image miroir de la scénographe-prof à Sorbonne).

 

 

J’ai bien aimé son journal-intime sous Word-Press, c’est une écriture contemporaine et foisonnante (à ce moment-ci elle parle d’une cheville tordue et d’un œil à la membrane déchirée entre deux expos à l’école des Beaux-Arts de Paris et d’une préparation d’émission France Culture) :

 

https://delprat.wordpress.com/

 

Hélène Delprat est un artiste-peintre cultivé (et parfois drôle). Je ne crois pas que la culture soit en danger, il y en a toujours eut, avec ses belles fleurs et son ivraie, et j’espère qu’il y en aura toujours, tous ne s’y intéressent pas, et ce n’est pas nouveau. Hier, on brûlait des sorcières, maintenant, on admire les pantins des télés-réalités : il y a tout de même du progrès.

 

Ce matin, j’ai peint – enfin ce matin c’était en théorie, parce que j’ai encore des copies à corriger – c’était plutôt de 9h00 à 15h00. Et je n’ai pas chômé, une toile de terminée avec des essais de textes au pochoir (la série « saint Jean-Baptiste Graffiti » ; et le texte celui d’Alexandre Brandy), une « vierge au collier » commencée : fond bleu nuit et première peau (j’avais repeint en blanc un petit tableau de la même série qui ne me convenait pas et j’avais fait le dessin), et une pomme avec une sous-couche fluorescente que j’ai repris ; j’aime bien l’idée du fluorescent en peinture, ça apporte de la modernité avec discrétion ; mais je trouve que mes tableaux, surtout les Saint Jean-Baptistes rendent bien dans la pénombre. Bientôt j’aurais plus de temps pour ça.

 

En face de mon bureau, sur les toits, c’est un véritable lieu de rencontre pour pigeons, un vrai film porno, et ça n’arrête pas. L’un des acteurs victorieux dont la belle vient de partir avec un autre, après de torrides et très courts ébats, reste tout penaud.

 

La procrastination utile, c’est terrible, et le pire, c’est que c’est pour moi, et malgré moi, un art de vivre.

 

Tout ça pour dire que je vais aller voir l’exposition d’Hélène Delprat au Musée des Beaux-Arts de Caen.

 

*

 

1que je n’ai pas fait, j’ai fait Lettres Classiques plus tard, je crois que ça a bien marché quand même.

2Précisons - inutilement j’espère – que j’aime les gens quelles que soient leurs préférences sexuelles, leurs genres ou la couleur de leurs yeux. Ce sont les imbéciles qui m’excèdent, et il y en a malheureusement beaucoup.

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